Jól / Miðvetr

Le contexte

Régis Boyer reste clair: Jól était la fête du solstice d’hiver, la plus importante célébration de l’année dans la religion des Vikings.

Ainsi, c’était à Miðvetr (mi-hiver) qu’on célébrait Jól.

C’est d’abord une grande célébration de la fertilité, destinée à faire revenir le soleil fécondateur dont l’absence était si dure.

C’est l’exacte opposée temporelle de Miðsumarblót.

Jól était une célébration pour une bonne année à venir et pour la paix, c’est-à-dire til árs ok friðar.

La principale divinité honorée pendant le festival de Jól était Freyr, dieu de la fertilité et de la prospérité.

Odin aussi était à l’honneur, car on surnommait cette divinité Jólnir ou Jólnar, soit l’être de Jól.

On associe Jól à la Chasse fantastique du dieu Odin.

Dans les faits, Jól est davantage une période de festivités, comprise entre le solstice d’hiver (Mæðranótt ou Mōdraniht) et le douzième jour suivant.

La pratique

Dans la saga des rois de Norvège (Heimskringla), on dit que les célébrations duraient trois jours.

Jól donnait lieu à de grands sacrifices aux Álfar pour favoriser la fertilité–fécondité.

Jól permettait aux gens de participer à de joyeux banquets qu’on nommait Jólveizla.

On y préparait un náttverð (repas du soir) composé d’un Jólskinka (jambon de porc ou de sanglier spécialement préparé), d’un grautr (gruau d’orge aux poireaux et aux légumes racines).

Un bol de grautr était servi à l’extérieur pour le gardien de la maison, un húsvéttr.

On y mangeait du pain sans levain au seigle et à l’orge (comparable au knäckebröd suédois et au flatbrød norvégien).

On y buvait une bière spécialement brassée nommée Jólaöl (bière de Jól).

L’ivresse de la part des convives passait pour un compliment et le refus de boire de l’alcool constituait une insulte à l’hôte.

Dans la saga des rois de Norvège (Heimskringla), on dit aussi que le premier toast était dédié à Odin, pour la puissance et la victoire du roi; le deuxième toast était dédié à Njörðr et Freyr, pour une bonne récolte et pour la paix; le troisième toast était dédié au roi lui-même.

On buvait aussi à la mémoire des défunts.

Régis Boyer affirme que la veille de la fête, on préparait la table de Jól dans la grande salle de la ferme, qui était garnie pendant les douze nuits de festivités pour les invités invisibles: les divinités et les morts.

L’animal sacrifié était le plus souvent un porc ou un sanglier, symbole par excellence du dieu Freyr.

L’animal était engraissé dans le tún, petit pré clos de valeur sacrée où pousse le túntre, arbre sacré associé à la famille et représentant l’arbre Yggdrasil.

Régis Boyer déclare qu’on enduisait ensuite l’animal de poudre dorée pour que ses soies semblent d’or.

La plus importante tradition de Jól demeure cependant dans la coutume des heitstrengning, des serments solennels.

On y récite une invocation et on prête des serments sur le sanglier Sonargöltr qui sera sacrifié et consommé.

Dans la Saga de Hervor et du roi Heidrekr (Hervarar saga ok Heiðreks), on dit qu’à la veille de Jól, ce sanglier était conduit dans la halle devant le roi et les participants tenaient leurs mains sur les poils de l’animal pour faire des voeux.

Cela n’est pas sans rappeler notre coutume des résolutions personnelles pour la nouvelle année.

Le comte Éric Oxenstierna, dans son ouvrage sur les vikings, nous explique que le second jour de Jól était entièrement consacré aux chevaux puisqu’on y exécutait des courses effrénées jusqu’à une source d’eau sacrée où l’on faisait boire le cheval vainqueur dans la source, au-dessus des pièces de monnaie offertes aux divinités.

Il existe un chant traditionnel en Norvège que la húsfreyja, la dame de la maison, doit réciter la veille du jour de l’an:

Laissez ceux qui veulent arriver!

Laissez ceux qui veulent partir!

Laissez ceux qui veulent rester!

Sans qu’aucun tord ne me soit causé ni aux miens!

On faisait des Jólaleikar (des jeux de Jól) en dansant, en jouant au mannjafnaðr (des joutes de comparaison sur la personne), au skáktafl (jeu d’échecs), au hlútfall (jeu de dés) et en participant à des joutes sportives comme le patin, la luge, le ski, la natation, le tir à l’arc, la glíma (lutte islandaise) et le knattleikr (sorte de base-ball sur glace très violent).

On assistait aussi à des combats de chevaux forts appréciés.

Lors des grandes fêtes en Scandinavie, on échangeait des Jólagjöf, des cadeaux entre invités toujours à la fin des festivités.

Offrir un cadeau à quelqu’un était une pratique courante chez les nobles et chez les hommes libres.

Cette coutume servait surtout à renforcer les liens d’amitié et de confiance établis entre les membres d’une communauté humaine.

Ces cadeaux prenaient souvent la forme de bijoux, de richesse ou bien d’armement.

On peut d’ailleurs constater un exemple dans la Saga de Njáll le Brûlé où Gunnar reçoit un bracelet d’or du jarl Hákon à Thrándheimr.

Dans la saga de Snorri le goði, la grande quantité de bière que les convives apportent juste avant les célébrations de Jól est un fait qui semble tellement normal pour l’époque qu’elle ne nécessite aucune explication.

La période de Jól, nommée Jólafriðr, était évidemment considérée comme sacrée ainsi, aucune guerre ne devait se tenir.

Les contrevenants qui violaient cette période de non-agression devaient sans doute payer une amende ou bien même s’exiler, ce qui fût le cas d’Eiríkr le Rouge, chassé d’Islande pour meurtre.

Toutes les coutumes d’aujourd’hui comme le Yule log (la bûche de Yule), le Yule goat (la chèvre de Yule), le Yule boar (le sanglier de Yule), les chants de Yule et Yuletide ont sans doute des liens avec des pratiques plus anciennes.

Aujourd’hui, en Islande, c’est en date du 31 décembre que l’on allume d’immenses bûchers en plein air et qu’on lance des feux d’artifices pour aider le soleil à réchauffer la Terre.

À Reykjavik, vers 21h, la veille du jour de l’an, on se réunit autour de ces grands feux pour chanter en attendant les douze coups de minuit.

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